Voici une petite entrevue avec Jean-François Esculier, physiothérapeute à la Clinique du Coureur. Il traite plusieurs coureurs et assure souvent les premiers soins lors d’évènements de course à pied. Je suis content de vous présenter cette entrevue avec un physiothérapeute qui a une perspective que je n’ai pas: il travaille surtout avec des coureurs blessés!
Daniel : Je sais que tu traites beaucoup de coureurs dans ta pratique. Quel est la blessure que tu vois le plus fréquemment chez les coureurs?
Jean-François : Les douleurs au genou sont les plus fréquentes, et le syndrome fémoro-patellaire est la blessure la plus commune rencontrée chez les coureurs. Viennent ensuite le syndrome de la bandelette ilio-tibiale (typiquement les coureurs de grandes distances, demi et marathon), la tendinopathie du tendon d’Achilles, la fasciapathie plantaire, et finalement la tendinopathie du tendon tibial postérieur et du tendon rotulien et les fractures de stress.
Daniel : Quel est le plus grand défi que tu as à relever dans ta pratique?
Jean-François : Du point de vue clinique, le plus grand défi est de déterminer le plan d’action idéal par rapport au patient afin d’optimiser la vitesse et la durabilité de la guérison: type de blessure, ressources disponibles, objectifs ou évènements à venir. Chaque patient est différent et je dois toujours m’adapter selon la situation de chacun.
Daniel : À part être progressif, y a-t-il d’autres conseils que tu pourrais donner pour quelqu’un qui voudrait éviter de se blesser? Un exercice magique?
Jean-François : En effet, être progressif est la meilleure manière d’éviter les blessures. Il faut considérer le niveau d’adaptation du corps avant d’intégrer quelque chose de nouveau dans son entraînement. La grande majorité du temps, c’est un changement (ajout de vitesse, de distance, de pentes, d’intervalles, changement de chaussures) intégré de façon trop rapide qui cause les blessures.
Par contre, le fait d’adopter une technique de course plus protectrice (foulée plus courte, diminution de l’attaque du talon, minimiser l’interférence de la chaussure sur la technique de course) et d’améliorer l’alignement dynamique du membre inférieur pendant la course pourra encore plus diminuer le risque de blessure et contribuer à l’adaptation mécanique des tissus sollicités lors de la course à pied.
Le meilleur exercice pour les coureurs est la descente de marche (step down) devant un miroir, où la personne se concentre à maintenir un bon alignement du genou. Il n’est pas magique mais il aide certainement à renforcir de façon fonctionnelle, et sert même de traitement pour la plupart des problèmes de genou à un certain point dans la progression.
Daniel: Dans quel pourcentage des cas est-ce que les patients se rétablissent de leur blessure?
Jean-François : Chez les coureurs, le taux de guérison est très élevé. Les blessures qui sont prises en charge tôt après leur apparition vont guérir plus rapidement, à plus de 95%. Les blessures qui datent de plusieurs semaines/mois et qui ont été surprotégées vont demander plus de temps à guérir. Les tendinopathies persistantes prendront souvent de 6 à 12 semaines d’exercices et de quantification du stress mécanique avant de se rétablir complètement. Les patients motivés qui savent bien doser le stress mécanique sur leur corps et qui sont assidus sur leurs exercices guériront plus vite!
Daniel: Qu-est ce que tu préfères dans ta pratique?
Jean-François : Même si j’aime tous les types de clientèle, les coureurs sont les gens qui éveillent ma passion le plus. J’aime beaucoup de choses dans ma pratique, mais en voici quelques-unes:
– Relever le défi d’optimiser mon plan intervention pour chaque personne selon sa blessure, sa capacité et ses objectifs.
– Expliquer aux gens le problème qu’ils ont afin qu’ils le comprennent et qu’ils puissent appliquer par eux-mêmes les principes que je leur expliquent.
– Effectuer des analyses biomécaniques de course et expliquer aux gens les points qui sont bons et ceux à améliorer.
– J’aime aussi me tenir au fait de la recherche dans le domaine, en portant un œil critique avant de l’appliquer dans ma pratique. Et bien sûr contribuer à la recherche!
Daniel : Ce que tu aimes le mois dans ta pratique?
Jean-François: Les gens qui viennent me consulter mais qui ne sont pas prêts à faire les efforts pour guérir. Une grosse partie de mes interventions consiste en la prescription d’exercices qui stimulent et accélèrent la vitesse de guérison de la blessure. Alors un peu de motivation!
Daniel: De quoi auront l’air les chaussures de course dans 10 ans?
Jean-François: Je pense que les chaussures seront retournées à la base, c’est-à-dire avec très peu ou sans technologie de support et d’absorption, qui sont sans fondement scientifique réel de toute façon. Même si la tendance est déjà bien enclenchée, je crois que les divisions recherche et marketing des compagnies de chaussures conserveront pendant plusieurs années l’objectif de nuire le moins possible aux mouvements naturels du pied et à une technique de course plus protectrice et plus efficace. L’effort devra être mis à développer des matériaux encore plus légers et encore plus résistants à l’usure (jusqu’à un certain point, car il faut tout de même que les compagnies vendent des chaussures!).
Pour en savoir plus sur Jean-François, je vous invite à consulter cette page du site web de la Clinique du Coureur :http://www.lacliniqueducoureur.ca/fr/clinique-physios/physios.php
Course à pied.ca » Entrevue avec Jean-François Esculier, physiothérapeute à la Clinique du Coureur
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