Courir pieds nus et attaquer avec le talon?

J’aime la science.

J’adore la science.

Bien sûr, lorsqu’on étudie le vivant, les sciences sont moins exactes que lorsqu’on étudie les mathématiques. Il y a des variations interindividuelles, des circonstances, des environnements qui peuvent faire changer les résultats d’une expérience. Par contre, la science (même faible), est préférable aux croyances, qui elles sont généralement basées sur l’appréciation subjective d’une personne. Cette personne communique ensuite sa croyance à d’autres personnes. C’est ce qu’on appelle une croyance populaire.

Petit éditorial plus ou moins en lien avec l’article qui suit…

Dans cet article, on étudie la pose du pied à la course sur une population qui est habituellement pied nu. Les sujets de l’étude étaient 38 Kenyans provenant de la tribu Daasanach au nord du Kenya. Ces sujets n’étaient pas des coureurs qui s’entraînent régulièrement. Ils couraient le long d’une piste sur laquelle il y avait un tapis qui mesurait la pression plantaire à mi-chemin. Les sujets couraient à vitesse librement choisie (confortable), puis plus rapidement. Leurs résultats supportent l’hypothèse qu’une pose du pied au sol sur l’avant-pied diminue l’ampleur de l’impact. Par contre, ils ont aussi remarqué que la plupart des sujets posent le talon au sol en premier lorsqu’ils courent à une vitesse confortable.  Le pourcentage de pose du pied sur la mi-pied et sur l’avant-pied augmentait avec la vitesse de course. Les résultats semblent indiquer que ce ne sont pas tous les humains habituellement pieds-nu qui courent sur l’avant-pied, mais que d’autres facteurs, comme la vitesse de course, le niveau d’entraînement, la compliance de la surface, la distance de course, la fréquence de course sont des facteurs qui peuvent influencer le type de pose du pied au sol.

Voici les résultats obtenus :

Strike type in habitually barefoot runners

 

Cette étude pose soulève plus de questions qu’elle ne donne de réponse à mon avis, mais les questions qu’elle suscite sont extrêmement intéressantes. En effet, les résultats de cette étude contredisent les résultats de Lieberman qui a aussi étudié une population habituellement pieds nus et qui avait obtenu un pourcentage de pose sur l’avant-pied beaucoup plus élevé (91%). Toutefois, il faut spécifier que Lieberman avait étudié une tribu de coureurs qui couraient plus fréquemment et plus vite que la population étudiée ici. Voici les questions qu’il faut se poser maintenant :

  • À quelle vitesse couraient nos ancêtres? Est-ce que la course en endurance pour un humain moyen, il y a 10 000 ans, était de 7’/km, 6’/km, 4’/km?
  • Sur quelle surface couraient-ils? Dure? Mou?
  • Est-ce que les résultats seraient différents avec des nord américains qui seraient habitués à courir pieds-nu?
  • Est-ce que les résultats seraient différents sur une surface plus dure?
  • Est-ce que les résultats seraient différents avec un tapis roulant ou une «track» plus longue?
  • Est-ce que l’attaque-talon de ces coureurs était différente de l’attaque-talon de quelqu’un qui court en chaussures coussinnées?
  • Est-ce que l’attaque-talon est le mal absolu? Faut-il l’éviter à tout prix?
  • Est-ce que la pose du pied est fonction du «loading rate»? C’est-à-dire, est-ce que ce sont les forces d’impact plus grande reliées à une vitesse plus grande ou une surface plus ferme qui fait qu’on adopte une pose du pied sur l’avant-pied?

Mon hypothèse : une légère attaque talon est probablement moins exigeante musculairement qu’une attaque sur l’avant-pied et que le corps utilise l’attaque avant-pied pour se protéger d’un «loading rate» trop grand. Donc, à des vitesse de course basse ou sur des sols plus compliant, l’attaque talon (légère) serait probablement la méthode choisie par le corps afin de «ménager» le tendon d’achille et le mollet. Par contre, sur des surfaces plus dures et à plus grande vitesse, le corps choisi d’utiliser une articulation supplémentaire (la cheville) pour diminuer la force d’impact. Qu’en pensez-vous?

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Daniel Riou Directeur général
Directeur général du Groupe Défis, fondateur du Défi Entreprises et co-fondateur d'Altterre. J'adore tout ce qui touche l'activité physique et la santé globale. Détenteur d'un baccalauréat en Kinésiologie de l'Université Laval Diverses formations par La Clinique du Coureur Programme Émergence de l'École d'Entrepreneurship de Beauce Programme National de certification des entraîneurs Niveau 2 en badminton Programme National de certification des entraîneurs Niveau 1 en haltérophilie

11 réflexions au sujet de “Courir pieds nus et attaquer avec le talon?”

  1. Super bonne question Dan,
    Je ne pense pas qu’il y ait de réponses claires, mais je te donne mon opinion

    À quelle vitesse couraient nos ancêtres?
    TOUTES : Probablement très lent la majorité du temps (< 8km à l’heure) mais parfois très longtemps (persistant hunting)… et aussi très vite pour se sauver des ours.

    Sur quelle surface couraient-ils?
    TOUTES : allant jusqu’à du très dur tel que l’asphalte. Mais surtout des surfaces irrégulières et remplies d’incertitudes… Leurs mécanismes de protection devaient les amener à ne pas attaquer du talon la majorité du temps.

    Est-ce que les résultats seraient différents avec des nord-américains qui seraient habitués à courir pieds nus?
    Probablement pas beaucoup… tout comme les kényans de l’étude de Lieberman d’ailleurs.

    Est-ce que les résultats seraient différents sur une surface plus dure?
    Leur surface d’étude semblait tout de même assez peu compliante

    Est-ce que les résultats seraient différents avec un tapis roulant ou une «track» plus longue?
    15m pour analyser un patron de course (dont 8m pour accélérer et 7 pour décélérer, ce n’est pas assez)

    Est-ce que l’attaque-talon de ces coureurs était différente de l’attaque-talon de quelqu’un qui court en chaussures cousinées?
    L'attaque talon peut prendre une multitude de forme. J'aurais bien voulu connaître l'angle pied-sol au contact du talon… je suis convaincu que l'ensemble de ces coureurs ont des attaques "sensitives-proprioceptives" qui les amènent malgré l'attaque talon, à modérer l'impact au sol avec des comportements biomécaniques efficaces (angle subtil). J'aurais aussi bien voulu les comparer aux coureurs caucasiens récréatifs chaussés de leurs monstres de 3cm d'épaisseur… des coureurs qui souvent attaquent du talon avec un angle de 45 degrés sol-pied. J'aurais aussi aimé que les auteurs me présentent une meilleure photo pour représenter un attaqueur de talon (pas à 5 cm du sol… serait-ce parce que les vrais photos de contact talon sont trop près de la pose mi-pied? Voir la photo de gauche sur ce lien :
    http://www.plosone.org/article/info%3Adoi%2F10.1371%2Fjournal.pone.0052548 )

    Est-ce que l’attaque-talon est le mal absolu? Faut-il l’éviter à tout prix?
    NON … plusieurs débats déjà faits sur le sujet. Il ne faut pas, par contre, que la grosse chaussure justifie des attaques talons à 45 degrés d’angle pied-sol avec grande force d’impact.

    Est-ce que la pose du pied est fonction du «loading rate»? C’est-à-dire, est-ce que ce sont les forces d’impact plus grandes reliées à une vitesse plus grande ou une surface plus ferme qui fait qu’on adopte une pose du pied sur l’avant-pied?
    Poser la question c’est y répondre ☺ … j’ajouterais aussi les mécanisme de protection par surface « irritante » tels les cailloux.

    A+
    Blaise

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    • Est-ce que les résultats seraient différents avec des nord-américains qui seraient habitués à courir pieds nus?
      Probablement pas beaucoup… tout comme les kényans de l’étude de Lieberman d’ailleurs. – Pourtant l’étude de Lieberman donne des résultats assez différents… pour ne pas dire totalement différents?
      En ce qui a trait à la longueur de la piste, ne penses tu pas que le peu de distance qu’ils avaient pour accélérer les pousserait normalement encore plus à attaquer de l’avant pied (parce qu’ils continuent à accélérer)?
      Dans le protocole, ils indiquent effectivement que toute pose du pied où le talon touche le sol en premier est une attaque talon. J’imagine effectivement qu’il y a peu de sujets qui attaquaient à 45 degrés…
      Sur la dernière question, pose du pied vs loading rate. Je me demande si, à basse vitesse, une attaque talon modérée ne serait pas plus économique au niveau musculaire/énergétique…. Tant que le corps peut tolérer ce stress?

      Répondre
      • Le problème est que l’on catégorise le foot strike en 3 catégories (fore-mid-rear) Il serait plus juste de le faire avec le ‘foot strike index’ et donner un pourcentage à l’attaque talon (selon l’angle). La majorité des coureurs pieds nus sont autour du midfoot… même s’ils attaquent du talon. Ces donnés manquent dans l’étude d’Hatala. Il est même probable que l’angle au sol du pied soit très proche des sujets de l’étude de Lieberman… mais que ces quelques petits degrés les amène dans 2 catégories différentes (mid ou rear).
        Pour la distance du corridor dans l’analyse, j’espère surtout qu’ils ne soit pas déjà en train de décélérer, pour ne pas rentrer dans le mure en avant 🙂
        À basse vitesse il est effectivement possible qu’il soit plus économique du talon s’il n’est pas nécessaire de se protéger… Serait-ce une des réponses aux cadences lentes et à l’attaque talon de nos coureurs à grosses chaussures?

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  2. Salut,

    Je ne suis pas sûr concernant ton hypothèse. Si on apprend à courir d’une certaine façon (par mimétisme), tout autre façon de courir va nous paraître bizarre, inconfortable et sera moins efficace tant qu’elle ne sera pas complètement maîtrisée. Quant à moi, sur une surface qui pardonne, l’attaque avant du pied et l’attaque talon modérée sont deux minima locaux pour le confort et l’efficacité (c’est comme cela que j’explique l’inconsistance entre Lieberman et cette étude sur les pourcentages attaque talon/attaque avant du pied. Deux populations=deux façon de courir). Globalement, lequel est le meilleur des deux minima pour l’efficacité dépend peut-être de la morphologie des personnes, de la vitesse de course, de la dureté de la surface, des chaussures, etc. Une chose est sûre, courir nu pied sur l’asphalte avec une attaque talon prononcée c’est certainement pas optimal : ça fait mal!

    Aussi un commentaire sur l’étude.
    Est-ce que le coureurs avaient tous une foulée non forcée ? Qui n’a pas accéléré le tempo et agrandi sa foulée en se sentant observé/filmé/photographié ou en croisant un groupe de coureurs ? En plus, si on dit de viser un tapis ça peu changer la longueur des pas ponctuellement.

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  3. Nous avons procédé à l’automne 2012 à une série d’analyses vidéos à l’UdM concernant cet aspect en particulier.

    Notre conclusion est à l’effet qu’il est quasiment impossible de *qualifier* avec précision l’attaque en regard à si elle se fait *du talon* ou pas, sans connaître le % de poids corporel réellement appliqué sur le point d’attaque en question.

    Ce que je veux dire ici, c’est qu’on a constaté que même si le talon touche en premier, ça ne veut pas dire que le poids du corps est mis sur le talon au moment où il touche le sol.

    On a ainsi constaté que la majorité de nos coureurs déposait talon en premier, mais que l’essentiel du poids était tout de même transféré sur le milieu du pied.

    Et depuis cette expérience, je me méfie un peu de toute analyse qui repose uniquement sur l’observation du point de contact au sol, et ce sans égard au *reste* de l’équation biomécanique.

    En date de Janvier 2013, au risque de choquer un peu ici, je ne trouve encore aucune raison pour valoriser une attaque au sol par le talon, où l’essentiel du poids corporel serait distribué sur le talon, et ce même à basse vitesse. Suffit de garder la foulée courte, déposé sous les hanches, et donc même à 6-6:30/km, on est pas *forcé* de réceptionner (incluant le poids corporel) sur le talon.

    Charles G. Couturier
    Triathlon UdM

    Répondre
    • Par contre…. (j’oubliais cet important point)….

      L’envers de tout ça, on le constate également, sont les coureurs qui ne déposent carrément pas le talon au sol. Les spécialistes de course sur piste. Ils ont tendance à rebondir, à exagérer les amplitudes inutilementn(genoux trop hauts, recouvrement de jambe artificiel compte tenu la vitesse de course, etc), et surtout à courir sur la face avant du pied sans même déposer le talon au sol.

      On décourage vigoureusement cette pratique. Et donc on juge que le dépôt du talon au sol est *important*. Tout est une question de calibration. On vise le juste milieu, et non l’exagération ni dans un sens ni dans l’autre.

      Charles

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      • Bonjour,

        Charles G. Couturier , Je serais intéressé d’en savoir plus sur cette dernière affirmation, soit qu’il faut éviter de ne pas déposé le talon. Lorsque j,ai commencé en c.à.p, j’ai évidemment débuter avec une attaque du talon.

        Après quelques mois de transition douce, j’ai changé pour une attaque plus avec l’avant du pied. Je trouve que je fatigue beaucoup moins vite avec ce type de foulée. Par contre , je n’ai pas encore commencé à faire du VMA intense parce que c’est l’hiver et je m’en tiens pour l’instant à de courte distance de 5-8km

        J’ai de la difficulté à entrevoir de déposer le talon au sol sans perte d’énergie ou de mouvement non naturel, ou qui semble l’être a première vue.

        Encore une fois , très intéressant M. Riou.Sans compté les intervention de qualité, bravo!

        Répondre
        • En pensant à ce post, j’ai bien prit la peine de sentir mon mouvement et contrairement à ma perception initiale , mon talon touche le sol après le dépôt de mon pied, lors que je croyais qu’il n’y touchait pas.

  4. bonjour je ne suis pas un scientifique mais en essayant moi meme les deux manieres de courrir j opterais plus du coté de lieberman pour la facon la plus naturelle pourl homme de courrir essaye le sur le tapis roulant lorsque tu marche c est le talon qui n a pas le choix d attaquer le sol en premier d ou aucune douleur et perte d energie mais aussitot que je me met a courrir a faible vitesse courrir sur le talon devient douleureux et la je parle pied nues et dysfonctionnel pas confortable et forcé et je suis obligé de mettre la plante du pied au sol pour etre confortable et lorsque je cours a haute vitesse il en vient entre un peu des deux talon et plante il me semble constatation personnel et jugement de vision merci

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  5. Autiste Asperger, bien que j’aie « appris », avec les années, à marcher « du talon », j’ai toujours aussi naturellement tendance à marcher sur la pointe des pieds… et pieds nus, autant que faire se peut! Il me semble que, la ressentant directement, mon pied s’adapte plus naturellement à toute surface, s’il est nu…😊

    Quand je coure, j’ai exactement la même tendance, qui me donne l’air de bondir comme une gazelle! Lolll😂😂

    Mais je n’ose pas pratiquer la course extérieure à pieds nus, avec toutes les saletés qui jonchent le sol, de nos jours… 😕

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