D’où je viens

On entend toujours les coachs parler d’objectifs et de programmes d’entraînement. On entend leurs conseils, en lien avec la préparation et l’alimentation. Tout ça en lien avec un objectif ultime, une fin et une ligne d’arrivée. Mais ne faites-vous pas l’erreur d’oublier trop rapidement d’où vous partez?

Je me demande souvent «pourquoi est-ce que je fais ça?» Autant suite à une préparation, avant un entraînement, après un marathon ou une sortie éprouvante. On répète depuis plusieurs années tous les bienfaits de l’activité physique au niveau de la santé mentale. On nous inonde d’études prouvant que nous avons raison de continuer la route menant à ce fameux objectif. On nous vaporise les tympans de citations inspirantes d’athlètes pour qui nous avons une admiration, de génération en génération. #cotontige On mange bien, on dort bien, on court, on donne l’exemple à nos amis et à nos enfants. On NE PEUT PAS déroger du parcours qui mène à l’objectif.

Puis un matin, on expire plus fort et plus longtemps qu’à l’habitude en fermant les yeux. Les yeux fermés pendant 5 secondes, on ramollit. C’est assez long pour se voir sur un podium dans le désert, comme dans un rêve. Assez long pour ressentir ses pieds pris dans le sable magnétique, aspirant, qui chatouille grafigne les chevilles et les mollets. Peur de crouler jusqu’aux genoux dans ce micro-rêve, seul et sans repère. Rien autour pour s’accrocher, pour se sauver. On a chaud et on tremble. La panique. Le verbe et le mot «PANIQUE». On est loin de ce qu’on a lu sur la visualisation…  Plus on panique, plus on a chaud et plus on tremble. 

C’est en ouvrant les yeux que l’on prend une décision importante. On décide d’oublier pour un temps son objectif et de plutôt se rappeler d’où on vient. 

Je pense, repense à ma dernière première sortie. Il y a 12 ans, je prenais l’argent qu’on m’avait offert à mon anniversaire pour aller m’acheter une moto paire de souliers dans une boutique spécialisée. Je me souviens d’avoir fait le tour de la boutique au moins 3 fois en touchant à tout, en rêvant et en écoutant les clients à gauche et à droite poser des questions sur toutes sortes de trucs et de sujets. J’entends une jeune femme discuter avec un employé au sujet des 10 derniers kilomètres de son marathon en lien avec son choix de vêtements et d’équipements. Je me sens imposteur. Je me sens néophyte. Je me sens comme un petit oiseau niché sur son épaule, curieux et à l’écoute. Un rêve prend forme, celui de perdre 20 livres faire un marathon.

Voici des portraits de quelques marathoniens-iennes en lien avec des moments précis dans leur vie. Le matin où ils ont pris la décision de débuter la course à pied.

Éric, 43 ans, père de 2 enfants
D’où je pars … J’ai 25 livres de trop. Je mange mal et trop. Je mange n’importe quand et je dors peu. Je n’ai jamais couru et je ne pense pas aimer ça. J’ai promis à ma famille que j’allais courir un marathon, mais j’ai peur. J’ai peur de ne pas réussir.

Manon, 38 ans, comptable
D’où je viens … J’ai mal partout, je suis dépressive. J’ai perdu ma mère d’un cancer il y a 3 ans et j’ai peur de la maladie jusqu’à l’insomnie. Je suis moche, mais tout le monde me trouve jolie. Ils me le disent par pitié, je suppose. La confiance que j’avais en moi m’a quittée en même temps que ma maman Lucie. 

Martin, 42 ans, papa d’une fille de 13 ans, entrepreneur
D’où je pars … Je travaille 75 heures par semaine. Je mange 5 fois par semaine dans les restaurants. Je n’ai pas le temps d’aller voir ma fille jouer au volleyball. Elle est pourtant une des meilleures de son école. Je m’en veux. Je vapote souvent avec un collègue. Même en vacances, je travaille. Je n’ai évidemment pas de temps de m’entrainer. J’envie ceux qui ont du temps pour ça.

Stéphanie, 34 ans, maman à la maison
D’où je viens … J’ai donné vie à un enfant il y 3 mois, pour une troisième fois en 6 ans. Mon chum travaille tout le temps. Il joue souvent au poker avec ses chums les vendredis soirs. J’suis seule à la maison, avec Tristan, Magalie et Laurie (nos 3 magnifiques enfants). Tout le monde me dit que je suis chanceuse, et que je vis le rêve de toutes les femmes du monde. Je n’ai pas le droit de me plaindre, mais je pleure souvent en cachette. Ma belle-mère est toujours ici, pour m’aider. Je suis en train de virer folle. Je capote. J’me sens seule. Je suis épuisée. J’ai l’impression d’être inutile.

Thomas, 16 ans
D’où je pars … J’ai été choisi dans l’équipe élite de soccer de mon école. Je n’ai pas de cardio. Je me sens moins bon que les autres. J’ai terminé en dernière position du groupe au test d’endurance du bip (Luc Léger). C’est gênant. Émilie l’a su. Je suis amoureux d’elle. Elle ne le sait pas. Je vais tout faire pour être parmi les meilleurs dans 6 mois. Je sais, c’est stupide … Mais je souhaite l’impressionner.

Diane, 68 ans
D’où je viens … Ma retraite me permet de jeter mon horaire à la poubelle. J’aime la tranquillité et j’adore passer du temps avec mes amis. J’ai quand même une impression que la vie est trop courte et que le temps passe trop vite. J’aimerais vivre plus longtemps. Je suis Grand-maman depuis 1 mois.

Et toi, d’où viens-tu?

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Hugo Clermont
- Pour Tréma marketing; - Coureur passionné, entraineur certifié et 4x marathonien.

8 réflexions au sujet de “D’où je viens”

  1. Marine, 28 ans, fonctionnaire
    Je passe 5 jours/7 derrière un bureau, je ne bouge presque pas, je mange mal, je dors mal, je suis mal dans ma peau. Je sais que j’ai 45 livres de trop. Avec mon chum de bientôt 10 ans, on projette d’acheter un maison et d’avoir un/des enfants. je veux être en forme pour les attendre et profiter de la vie avec eux. J’ai donc commence la course à pieds. 3 ans plus tard, je suis rendue à des courses de 15 km, j’adore ça, et il me reste environ 15 livres de trop 🙂

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  2. J’ai 45 ans. J’ai commencé la course à pied il y a 5 ans, pour me remettre en forme. Je me suis entraînée sans relâche pour faire ma première course de 5km. 5 ans plus tard : je continue pour maintenir la forme, parce que j’adore courir, mais surtout parce que j’ai réalisé que ça fait beaucoup de bien dans la tête. La plupart du temps je cours seule. En silence. Quand j’ai une sortie un peu plus difficile je me souviens de ce premier jour où je n’ai même pas pu atteindre le coin de la rue… à 300 mètres, sans penser que j’allais vomir. J’aime me donner des défis. Me dépasser. Ma  »lubie » 2020 : mettre sur mon CV de vie que je suis une marathonienne 🙂
    Je suis une tortue-persévérante!

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  3. Suis-je la seule qui s’Inquiète pour Stéphanie 34 ans citée dans l’article. Stéphanie a-t-elle été référée aux Relevailles, ou d’autres groupes d’entraide de son secteur?

    Catherine -blogueuse pour Groupe Défis, mais aussi comme passes-temps : doula / accompagnante à la naissance

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    • Bonjour Catherine,
      Ce sont des petites histoires fictives inspirées par quelques éléments observés autour de moi. Stéphanie n’existe pas mais j’suis convaincu qu’il y en a plusieurs dans cette situation qui se retrouvent sauvées par la course à pied! Bonne soirée!

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  4. Salut Hugo,

    C’est fou comme tes textes me parlent à chaque fois!

    Dans mon cas, je dois faire un reset de mon départ aujourd’hui car j’ai commencé la course à pied lorsque j’étais dans la meilleure forme de ma vie. Donc, je pars aujourd’hui (pour plusieurs raisons inintéressantes) en étant un mix de tes personnages et tu me fais réaliser de ne pas me comparer avec mes chronos, ma vitesse ou mon poids d’antan pour m’éviter le découragement et l’abandon.

    Merci

    Gen, 44 ans, mère de deux enfants, ayant un cabinet-comptable familial en pleine croissance

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