La dépendance au sport : quand le sport devient une obsession.

Texte écrit et publié en collaboration avec La Capitale Assurance et services financiers. Comme l’activité physique est souvent perçue de façon très positive dans notre société, on a de la difficulté à s’imaginer qu’elle puisse devenir problématique. Certains se valorisent même en se définissant comme ‘’accro au sport’’. Qu’en est-il vraiment? À quel moment l’activité physique devient une addiction? Quelles en sont les conséquences?

Introduction

L’addiction à l’activité physique fait partie de ce qu’on appelle les dépendances comportementales. Ce type d’addiction désigne les dépendances dont l’objet n’est pas un produit psychotrope (drogue), mais plutôt un comportement. Cette sorte de dépendance peut être associée à différents comportements : faire des achats, travailler, jouer à des jeux vidéo ou des jeux de hasard.

La prévalence

La prévalence de cette addiction ne fait pas consensus dans la littérature scientifique et il y a beaucoup de variation entre les taux observés..

Dans les recherches les plus récentes, on évalue qu’environ 0,5 % de la population globale serait atteint d’addiction à l’exercice alors que le taux passe à 2-3 % chez ceux qui sont régulièrement actifs. Une étude sur des athlètes d’élite, tous sports confondus montrait un taux d’addiction de 34,8 %, alors que le taux atteignait 50 % chez les coureurs compétitifs. [1] .

Avec ces données, on peut estimer qu’environ 185 000 Canadiens seraient touchés par l’addiction au sport.

Les conséquences de l’addiction à l’activité physique

On pourrait penser qu’il est bénéfique d’être accro à l’activité physique, car ça devrait normalement mener à une vie en bonne santé. Par contre, les effets de cette addiction peuvent être très néfastes.

Dans un premier temps, on retrouve souvent des conséquences directement reliées à l’activité elle-même, comme des blessures d’usure. Lorsque le problème devient plus important, les conséquences sont plus souvent d’ordre relationnel, se traduisant le plus souvent par des conflits avec les proches ou au travail. Finalement, dans les cas les plus graves, l’addiction à l’activité physique peut mener à des troubles psychologiques plus importants comme la dépression.

Un phénomène aussi présent à l’adolescence

Le phénomène de l’addiction à l’entraînement serait potentiellement encore plus présent chez des adolescents et les jeunes adultes. Selon une étude réalisée en 2011, 8,5 % des jeunes de niveau secondaire seraient touchés par une addiction au sport. D’ailleurs, on note aussi un pourcentage d’addiction à d’autres comportements plus élevé chez les adolescents. Il faudrait donc être particulièrement vigilant lorsqu’on travaille avec des jeunes qui semblent très engagés dans leur sport afin de dépister les risques de dépendance le plus tôt possible.

Corrélation avec les troubles alimentaires

Quelques études rapportent que les troubles alimentaires sont souvent accompagnés par des niveaux exagérés d’activité physique. La relation inverse a aussi été établie. Les individus affectés par l’addiction à l’exercice ont souvent beaucoup de soucis à propos de leur image corporelle, de leur poids et du contrôle de leur alimentation[2][3]. Cette comorbidité rend la tâche d’identifier le trouble primaire très difficile. Environ la moitié des gens qui souffrent d’addiction à l’activité physique souffrent aussi de troubles alimentaires.

Comment devient-on dépendant à l’activité physique?

On peut représenter le chemin qui mène à la dépendance à l’exercice en 4 phases :

1.  Phase de l’exercice récréationnel

L’exercice récréatif est surtout fait parce qu’il s’agit d’une activité plaisante et valorisante. Par exemple, une personne qui commence à s’entraîner et qui note une augmentation de sa force peut se sentir valorisée. Une autre, qui commencerait à faire des randonnées régulièrement trouve qu’il est agréable de se retrouver dans la nature et de pouvoir ‘’décrocher’’.

La première phase expose la personne à l’effet grisant de l’activité physique. Cet effet survient chez tous ceux qui pratiquent l’activité physique, mais ce ne sont pas tous ceux qui s’entraînent qui deviennent dépendants. On peut devenir très engagé dans une activité, sans développer de dépendance.

2.  Phase de l’exercice à risque

La phase de l’exercice à risque commence lorsque la motivation pour faire une activité physique n’est plus le plaisir, mais le relâchement et la détente. En général, les conséquences négatives lors de cette phase sont directement le résultat de l’exercice et non interpersonnelles. Par exemple, la personne se blesse en courant ou attrape un virus suite à un entraînement très difficile.

3.  Phase de l’exercice problématique

Ce qui différencie l’exercice problématique des phases précédentes est la nature des conséquences négatives. Les problématiques reliées à l’exercice à ce niveau sont généralement d’ordre interpersonnel. Par exemple, si le conjoint d’une coureuse se plaint qu’elle préfère courir plutôt que de passer du temps avec lui, on peut penser que la coureuse en question est peut-être dans la phase de l’exercice problématique.

Une fois dans la phase problématique, le comportement continue, malgré le fait que l’objectif de départ ait été atteint, un peu comme un alcoolique qui continue de boire même s’il a atteint l’effet désiré de détente de l’alcool.

Un aspect commun à cette étape est qu’un comportement qui était effectué en groupe se produit maintenant individuellement. Par exemple, la personne qui faisait de la Zumba avec ses collègues deux fois par semaine pourrait choisir d’aller au gym seule, afin d’augmenter la fréquence, l’intensité et la durée des entraînements.

Un autre point qui caractérise cette phase est qu’au lieu de rechercher la libération d’endorphines pour se sentir mieux, la personne peut commencer à s’entraîner afin de ne pas ressentir des symptômes du sevrage[4].

4.  Phase ultime : addiction à l’activité physique

La fréquence et l’intensité de l’activité physique continue d’augmenter jusqu’à devenir le point central de la vie de la personne.  À ce stade, la personne peut être confrontée à des conséquences plus importantes, telles la dépression, la perte d’emploi, etc.

Dépister l’addiction au sport

Un formulaire simple, de 6 questions, a été développé pour aider à dépister l’addiction à l’activité physique chez les adultes [5]:

  Fortement en désaccord En désaccord Ni en accord ni en désaccord En accord Fortement en accord    
L’exercice est la chose la plus importante dans ma vie 1 2 3 4 5    
Des conflits sont survenus entre moi et ma famille et / ou mon partenaire à propos de la quantité d’activité physique que je fais 1 2 3 4 5    
J’utilise l’activité physique pour changer mon humeur (améliorer mon humeur, m’évader, etc.) 1 2 3 4 5    
Au fil du temps, j’ai augmenté la quantité d’activité physique que je fais dans une journée 1 2 3 4 5    
Si je dois manquer un entraînement, je me sens mal et irritable 1 2 3 4 5    
Si je diminue la quantité d‘activité physique que je fais, je finis par recommencer à m’entraîner autant que je le faisais avant 1 2 3 4 5    

Pour être considéré à risque, vous devez atteindre un score d’au moins 24 sur 30.

Conclusion

L’addiction à l’activité physique est donc plus répandue qu’on pourrait le penser et ses conséquences peuvent être assez graves. Il est donc pertinent de s’interroger régulièrement sur sa pratique, afin de s’assurer qu’elle est saine et que le plaisir est la première source de motivation. Comme dans tout, la modération a bien meilleur goût !


[1] The exercise paradox: An interactional model for a clearer conceptualization of exercise addiction

Alexei Y Egorov, Attila Szabó Published in Journal of behavioral addictions 2013

DOI:10.1556/jba.2.2013.4.2

[2] Blaydon, Michelle & Lindner, Koenraad. (2002). Eating Disorders and Exercise Dependence in Triathletes. Eating disorders. 10. 49-60. 10.1080/106402602753573559.

[3] Eating disorders: clinical features and pathophysiology. Physiol Behav. 2004 Apr;81(2):359-74.

[4] Clarifying Exercise Addiction: Differential Diagnosis, Co-occurring Disorders, and Phases of Addiction Int J Environ Res Public Health. 2011 Oct; 8(10): 4069–4081.

[5] Validation de l’adaptation française de l’échelle de dépendance à l’exercice physique : l’EDS-R  Pratiques Psychologiques 13(4):425-441 · December 2007

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Daniel Riou Directeur général
Directeur général du Groupe Défis, fondateur du Défi Entreprises et co-fondateur d'Altterre. J'adore tout ce qui touche l'activité physique et la santé globale. Détenteur d'un baccalauréat en Kinésiologie de l'Université Laval Diverses formations par La Clinique du Coureur Programme Émergence de l'École d'Entrepreneurship de Beauce Programme National de certification des entraîneurs Niveau 2 en badminton Programme National de certification des entraîneurs Niveau 1 en haltérophilie

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